Quand tout à chacun sort du frigo ce qu'il a envie de manger, va au
resto parce qu'il a la flemme de cuisiner, moi je comptabilise ma consommation
alimentaire, à l'unité près. Par exemple, au lieu d'utiliser quatre œufs pour
une omelette de deux personnes, je n'en prends plus que trois. Ce qui est
normal devient un trop grand luxe.
Les courses, c'est forcément chez Lidl. Je n'y trouve pas tout, mais
ça n'est pas plus mal car j'évite le superflu. Je ne prends que ce dont j'ai
besoin, ce qui limite les dépenses. Quand il y a superflu, c'est voulu. Par exemple, pour l'anniversaire de mon enfant, j'ai acheté de quoi
faire des hamburgers maison puisque c'est ce dont il avait envie. Mais en
déambulant dans les rayons avec lui pour chercher les articles, j'imaginais
déjà les Euros s'échapper de mon compte bancaire. Il a fallu, comme à chaque
fois que mon enfant fait les courses avec moi - ce que j'évite le plus possible - que je garde le sourire et
l'enthousiasme de faire un petit repas exceptionnel, et ravaler la boule au
ventre.
Si le dîner d'anniversaire de mon enfant coûte 15 Euros, alors ce sera
15 Euros en moins pour le mois. Sans compter les 10 Euros que j'ai dépensés
pour acheter son cadeau (une BD). Voilà le budget superflu du mois déjà
trop élevé, et pourtant tellement essentiel quand on est parent.
Ce soir, ce sera petits pois-carottes avec une cuillère de
crème fraîche et un bâtonnet de poisson pané pour moi en plat principal (trois
bâtonnets pour mon enfant), et deux rondelles d'ananas au sirop pour le dessert.
Mon enfant retournera chez son père demain. J'en arrive à être
soulagée qu'il reparte là-bas, parce que je sais qu'au moins, il pourra mieux y
manger, avoir le choix, et je pourrai continuer à me priver sans faire
semblant.
- Maman, viens, on partage.
- Non, ça ira pour moi.
- On est deux, il faut qu'on partage en deux.
- C'est gentil mais je n'ai pas trop faim ce soir.
Mon frigo est vide. Pour demain, je n'ai plus de yaourt, plus
de compote pour le dessert. Je vais devoir faire preuve de créativité avec un
litre de lait et du gélifiant.
Pour le petit-déjeuner, ce sera de la bouillie faite à base de lait,
farine et chocolat en poudre.
Pour le déjeuner, ce sera patates transformées en pommes dauphine, et
un steak haché pour lui. Pas de steak haché pour moi il va sans dire.
Pour le goûter, il aura les petits biscuits secs que j'avais préparés
en avance et deux tranches d'ananas. J'en prendrai quand-même avec lui.
Quand il sera rentré chez son père, je me ferai des pâtes le soir,
avec fromage râpé et ketchup pour que ce soit moins fade.
Quant au reste de la semaine, ce sera les fonds de tiroirs, les
restants de cette semaine, les lentilles du bas du placard, le poisson que mon
enfant n'aime pas, et un dîner chez un pote qui m'héberge parce que je fais un
inventaire près de chez lui. Il sait ce que je vis, il va m'offrir le gite et
le couvert pour une soirée. Je ne sais pas comment le remercier pour tout ce
qu'il fait déjà pour moi.
En journée, j'arrive à ne pas dépenser plus de 2 Euros par repas à la
cantine du boulot, et je fais quelques réserves en douce quand des collègues
apportent des viennoiseries ou des petites douceurs. Il m'est déjà arrivé de me
nourrir de chocolats de Pâque pour éviter d'utiliser ma carte de cantine.
Mais le mieux, c'est quand il y a des réunions avec des
plateaux-repas. Avec un peu de chance, certains-es n'ont pas pris leur fromage
ou leur dessert, ou bien n'ont pas du tout pris leur plateau que je peux
récupérer. L'autre fois, j'ai pu inviter une copine à dîner à la maison grâce à cette récup'.
Quand je suis seule, j'arrive à me serrer la ceinture le plus possible.
Par contre, j'essaie de garder un semblant de normalité quand mon enfant est là. Malgré
ça, il n'est pas dupe. Il voit ce qui se passe. Déjà, il m'entend parler
d'argent beaucoup plus souvent, me voit toujours plus tendue. Et puis quand je
dis clairement que "Je ne peux pas", il ne pose pas de questions.
Ce qui est difficile à digérer, c'est quand j'apprends par hasard
qu'il refuse de faire une liste de ce qu'il voudrait pour son anniversaire pour
ne pas que je dépense pour son cadeau. Et quand je le questionne, il me dit
qu'il n'a besoin de rien.
Il faut tenir quand il sourit pour essayer de dissimuler sa peine, sa culpabilité
d'être à ma charge.
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